Le réchauffement climatique se poursuit à un rythme sans précédent, 2023 étant officiellement l’année la plus chaude enregistrée à ce jour. Il est donc plus important que jamais de contenir la hausse des températures et d’atténuer les conséquences pluridimensionnelles et de plus en plus irréversibles du changement climatique, a fortiori pour les pays et régions les plus vulnérables, tels que les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA).

Cependant, même si la hausse mondiale des températures venait à dépasser 1,5 °C sur une seule année, cela ne signifierait pas pour autant que nous aurions franchi le seuil de réchauffement fixé par l’Accord de Paris, car celui-ci renvoie à une hausse des températures mondiales moyennes sur le long terme (c’est-à-dire plusieurs décennies). Toutefois, la poursuite du réchauffement signifie bel et bien que nous allons dans la mauvaise direction.

Pour être conformes aux limites strictes fixées par l’Accord de Paris, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) doivent atteindre leur pic avant 2025 et baisser environ de moitié d’ici 2030, pour atteindre zéro émission nette dans la deuxième moitié du XXIe siècle. De récentes études ont confirmé que cet objectif est encore possible techniquement, et qu’il est probable que 2023 ait été l’année du pic des émissions mondiales de GES.

L’adoption de mesures conformes à l’objectif de 1,5 °C diminuerait de moitié le rythme du réchauffement climatique au cours de la décennie 2030, et l’interromprait d’ici le milieu du siècle. Ce ralentissement du réchauffement est essentiel pour gagner du temps, afin de pouvoir s’adapter et d’éviter des pertes et des préjudices irréversibles.

Même si la hausse des températures à long terme venait à dépasser 1,5 °C, des mesures d’atténuation ambitieuses pourraient ramener la température sous ce seuil après une phase de dépassement temporaire, permettant ainsi de limiter les pertes et les préjudices sur le long terme.

Néanmoins, même un dépassement temporaire du seuil de température entraînera des répercussions néfastes et irréversibles, par exemple sur certains écosystèmes montagneux et côtiers. Nous ne pourrons pas revenir à un stade antérieur.

On constate d’ores et déjà un fossé entre les mesures d’adaptation actuelles et ce dont nous avons besoin pour limiter les risques et les conséquences. On s’attend à une hausse du coût de l’adaptation, notamment dans les pays en développement, cependant les flux de financement vers les pays en développement demeurent insuffisants, d’où un creusement du déficit de financement de l’adaptation. Le processus d’adaptation doit être équitable et juste, et éviter d’aggraver les vulnérabilités actuelles ou d’en faire naître de nouvelles. Pour cela, nous avons besoin de nouvelles démarches collaboratives et interdisciplinaires mobilisant une pluralité d’acteurs.

Les PEID et les PMA sont aux premières lignes du changement climatique, et se heurtent déjà à des limites quant à l’adaptation de leurs systèmes naturels et humains, ce qui entraîne des pertes et des préjudices. Toutefois, certaines limites à l’adaptation peuvent être surmontées en s’attaquant à diverses contraintes pour l’essentiel financières, institutionnelles, politiques et liées à la gouvernance.2

Les pertes et les préjudices ne feront que s’aggraver à chaque incrément de réchauffement climatique. Une hausse en apparence anodine, de seulement quelques dixièmes de degré, peut avoir d’énormes implications, notamment dans les régions ou pays les plus touchés ou moins bien armés que d’autres pour y répondre, tels que les PEID et les PMA.

À titre d’exemple, le montant des préjudices annuels dus aux cyclones tropicaux à Antigua-et- Barbuda augmenteraient de près de moitié si le réchauffement climatique atteignait 1,7 °C en 2050 au lieu de 1,5 °C, et de plus de trois quarts avec un réchauffement climatique de 1,8 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C.

De même, le nombre de personnes exposées chaque année à des canicules au Sénégal augmenterait de près d’un tiers avec un réchauffement de la planète de 1,7 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C, et de moitié si le réchauffement atteignait 1,8 °C à la même date (voir Figure).

Plus les préjudices dus au changement climatique augmentent, notamment dans les économies les plus vulnérables, plus les besoins financiers nécessaires pour remédier aux pertes et aux préjudices augmentent. Le fonds dédié aux pertes et aux préjudices devrait aider les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique.

Seules la mise en place rapide de mesures d’atténuation à grande échelle et l’accélération de la mise en oeuvre des mesures d’adaptation disponibles (accompagnée de financements adéquats), au cours de cette décennie critique, permettront de limiter les pertes et préjudices auxquels le fonds devra remédier.

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